Projet conjoint "Combustibles renouvelables pour produire de l’électricité"
Les combustibles renouvelables issus de l’énergie solaire sont susceptibles de remplacer les énergies fossiles et de proposer des alternatives exemptes de CO2. Étant donné que la séquestration et le stockage du CO2 ont un impact négatif aux niveaux économique et énergétique, il est judicieux de convertir les émissions de CO2 inévitables en méthane (CH4) grâce à de l’hydrogène (H2) renouvelable et de remplacer ainsi le CH4 d’origine fossile. Si le CH4 et le H2 sont produits de manière à répondre aux exigences de qualité et d’efficacité décrites dans ce projet conjoint, les piles à combustible à oxyde solide (SOFC) et à membrane échangeuse de protons (PEM) disponibles sur le marché permettront de réduire encore davantage les émissions de CO2 grâce à leur conversion en électricité et en chaleur.
Description du projet (Projet de recherche terminé)
Le gouvernement suisse a signé L’Accord de Paris sur le climat, qui implique la mise en œuvre de diverses mesures pour atteindre l’objectif d’une réduction de 50 % des émissions de CO2 de la Suisse d’ici 2030, par rapport aux chiffres de 1990. En Suisse, la production de ciment représente quelque 2,5 millions de tonnes d’émissions de CO2, soit approximativement 7 % des émissions annuelles totales de CO2 du pays. Ce projet de recherche a étudié comment ce CO2 – essentiellement inévitable car contenu dans le calcaire qui sert de matière première – pouvait être mis à profit dans une nouvelle chaîne de valeur via la méthanation du CO2 et contribuer ainsi à réduire la consommation et l’importation de combustibles fossiles en Suisse. Grâce à la technologie power-to-gas (conversion d’électricité en gaz), ce CO2 et l’hydrogène renouvelable issu des technologies solar-to-fuel peuvent être convertis en gaz naturel synthétique renouvelable, injecté dans le réseau existant de gaz naturel et consommé par les technologies de piles à combustible.
Objectif
L’objectif déclaré de ce projet conjoint était l’évaluation technique d’une chaîne de valeur permettant de convertir la totalité des 2,5 millions de tonnes de CO2 cimentaire en CH4 pour les substituer aux importations de CH4 fossile et réduire ainsi les émissions de CO2 correspondantes. Ceci est accompli en produisant du H2 par électrolyse solaire de l’eau (PEC), qui est ensuite converti via un procédé de méthanation du CO2 basé sur la sorption. Le H2 et le CH4 sont tous deux utilisés par les technologies de pile à combustible SOFC et PEM.
Résultats
Le projet conjoint comprend quatre approches innovantes dans les domaines de la recherche sur les matériaux et la modélisation, visant à rendre possible une chaîne de valeur destinée à produire de l’énergie tout en économisant le CO2. Des technologies plus efficaces, de plus longues durées et meilleur marché sont examinées au sein de cette chaîne de valeur avec pour but de réduire les émissions de CO2 et de les réutiliser:
- Un système
PEC tandem HIT à base de Cu2O a révélé un rendement solaire-hydrogène de 8,8 %, de loin le système tandem le plus efficace utilisant exclusivement des matériaux à base d’oxydes. Sa stabilité a pu être établie sur 100 heures avec moins de 10 % de dégradation de la jonction radiale p-n nanostructurée. - Un catalyseur de
méthanation du CO2 à sorption améliorée a fait preuve d’une capacité de conversion révolutionnaire de 100 % du CO2 en CH2 dans des conditions stœchiométriques et à 300°C, atteignant ainsi un niveau inédit d’efficacité et de suffisance en matière de H2, qui est un facteur de coût déterminant. La durée de fonctionnement du concept de catalyseur est accrue de 300 % par rapport à une interaction améliorée de catalyseur sur support. - Des modèles de simulation novateurs sont développés pour réduire les pertes de transport dans les couches de diffusion de gaz (GDL) et pour simuler les processus de transport couplé dans les
piles à combustible PEM, tels que le transport de composants gazeux, d’eau liquide, de chaleur et de charges dans les GDL. Les logiciels de simulation sont à la disposition de l’industrie et de la recherche. - Un matériau d’anode unique en pérovskite (La,Sr)Ti0.95Ni0.05O3-d, pour la technologie SOFC alliant chaleur et force, procure une fonctionnalité aussi innovante qu’exceptionnelle: une auto-régénération catalytique et microstructurale. Suite à une dégradation sévère, c’est-à-dire en raison d’une croissance de particules et d’une contamination par du H2S, le matériau se régénère totalement à l’issue d’un cycle redox et restitue des domaines Ni nanostructurés immaculés. Il a la même activité qu’un matériau d’anode courant mais avec 90 % de Ni en moins.
Dans le cadre d’une évaluation technologique, une estimation des coûts a permis de déterminer qu’avec les dernières technologies de fabrication disponibles (PV|électrolyse alcaline AEL|méthanation du CO2), la totalité des 2,5 millions de tonnes de CO2 cimentaire pouvait être convertie en méthane renouvelable à partir de ressources suisses. Ce méthane pourrait remplacer 33 % des importations de gaz fossile!
En tenant compte des économies de CO2 supplémentaires obtenues par l’intégration de piles à combustibles plus efficaces dans le réseau énergétique, un secteur du chauffage résidentiel privilégiant les piles à combustible permettrait d’économiser 50 % de CO2 par rapport aux systèmes traditionnels. La production de H2 est cependant de loin l’étape la plus coûteuse de la chaîne de valeur, dont elle représente près de 90 %. À l’heure actuelle, le méthane renouvelable coûte par conséquent trois fois plus cher que le méthane d’origine fossile. Pour améliorer la compétitivité, soit le prix du PV et de l’électrolyse doit baisser, soit les cellules photoélectrochimiques (PEC) doivent devenir moins coûteuses. La méthanation du CO2 basée sur la sorption générera un avantage économique substantiel en assurant 25 % d’efficacité supplémentaire ainsi que la suffisance pour le H2.
- Un système
Importance
Implications pour la recherche
Les découvertes scientifiques clés sont basées sur des concepts inédits et novateurs, qui s’avèrent révolutionnaires pour l’électrochimie, la catalyse et la modélisation en matière de recherche sur la conversion de l’énergie. Le transfert et l’adoption de ces constats clés par d’autres domaines de recherche permettra d’éclairer et d’enrichir ces disciplines. Le projet a démontré que les systèmes catalytiques étaient en mesure de rétablir leurs performances de catalyse et leur état immaculé et hautement dispersé après avoir subi une dégradation sévère. Par ailleurs, des taux de conversion de 100 %, se jouant des "limites thermodynamiques" grâce à un procédé de méthanation du CO2 à sorption améliorée, permettront de repousser les limites des concepts "Power to X". Une autre avancée majeure sur le plan scientifique découle du transfert des modèles de piles à combustible PEM, employés pour le transport de gaz, d’eau liquide, de chaleur et de charges dans l’électrolyse de l’eau, une technologie clé des futurs systèmes d’énergie renouvelable. Bien qu’elle ne soit pas encore prête à être commercialisée, la technologie PEC a vu ses performances considérablement améliorées. La stabilité matérielle d’une structure complexe à plusieurs couches nécessite toutefois encore quelques études scientifiques et optimisations.
Les contributions scientifiques exceptionnelles de ce projet conjoint encouragent les autres groupes et disciplines de recherche à viser une efficacité accrue, de meilleures performances et des durées de fonctionnement prolongées dans le domaine crucial de la réduction et de la réutilisation des émissions de CO2.
Implications pour la pratique
Ce projet conjoint a permis l’acquisition de connaissances scientifiques et dans une large mesure aussi pratiques, pouvant être directement transférées (PEM) ou étant même déjà en cours de transfert (SOFC et CO2) vers un échelon plus pertinent pour l’industrie. Grâce à la large palette de sujets abordés par les sous-projets (PEC, CO2, PEM, SOFC), toute une série de parties prenantes et de groupes d’intérêts peuvent désormais profiter concrètement de la bonne mise en œuvre des technologies adéquates et de l’évaluation de durabilité:
- responsables politiques et économistes;
- industries émettrices de CO2;
- fournisseurs de gaz et exploitants de réseaux de gaz naturel;
- secteur industriel des piles à combustible;
- consommateurs finaux.
Le transfert de technologie à proprement parler a déjà commencé pour des technologies telles que la PEM, les SOFC et la méthanation du CO2, dans la mesure où les sous-projets ont également généré une bonne dose de connaissances pratiques. Les répercussions directes sur les applications de la vie courante sont les suivantes:
- des catalyseurs de méthanation du CO2 sont actuellement mis en œuvre dans une usine de démonstration à haut rendement en Suisse (réutilisation du CO2 afin de réduire les émissions);
- un concept de catalyseur inédit pour les SOFC fournit un système plus fiable, économiquement plus attrayant pour les propriétaires de maisons, en raison d’émissions de CO2 réduites, et d’une longévité accrue associée à une moindre consommation de ressources (réduction des émissions de CO2);
- les conditions de fonctionnement critiques des piles à combustible PEM sont améliorées, ce qui peut avoir une incidence sur la décision d’acheter une voiture alimentée par une pile à combustible au lieu d’un moteur à combustion (réduction des émissions de CO2).
Titre original
Reduction & reuse of CO2: renewable fuels for efficient electricity production
Projets joints
Ce projet conjoint se compose de cinq projets de recherche
Catalytic methanation of industrially-derived CO2
- Dr. Andreas Borgschulte, Departement Mobilität, Energie und Umwelt, EMPA Dübendorf
Renewable Hydrogen Production through Photoelectrochemical (PEC) Water Splitting
- Prof. Anders Hagfeldt, Laboratoire de photonique et interfaces, EPF Lausanne; Prof. Jürgen Schumacher
- Dr. Andre Heel, Institute of Materials and Process Engineering, ZHAW Winterthur
Designing multifunctional materials for proton exchange membrane fuel cells
- Prof. Jürgen Schumacher, Institute of Computational Physics, ZHAW Winterthur; Dr. Felix Büchi
- Vicente Carabias, Institut für Nachhaltige Entwicklung, ZHAW Winterthur; Dr. Silvia Ulli-Beer; Dr. Christian Zipper